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Des origines de la biodynamie
--> par Luc Charlier

Après un entrefilet paru l'an dernier et évoquant le mouvement biodynamicien et son fondateur, Rudolf Steiner, j'ai reçu du courrier de menace à mon adresse privée et des coups de téléphone, émanant de "sympathisants" steineriens. Le "web" vient de me fournir un début d'explication, après ma réaction de surprise.

Plantons le décor
Beaucoup de mes amis vignerons, et des meilleurs, se réclament peu ou prou de la biodynamie dans leur approche du vignoble. Ils entendent ainsi élaborer de bons vins en respectant la nature et en faisant le moins possible appel à des artifices. Au-delà des préceptes ayant trait à l'agriculture, savent-ils vraiment ce que cachent les élucubrations de Rudolf Steiner ? Examinons cela ensemble, en distinguant trois aspects au problème : (1) la viticulture faisant appel à la biodynamie comme toile de fond, (2) la pensée de Steiner lui-même, et (3) ses évolutions ultérieures. Le lecteur intéressé peut consulter un article de P. Staudenmaier, de l'Institute for Social Ecology, intitulé "Anthroposophy and Ecofascism" qui m'a largement servi de source pour ce résumé (http://www.social-ecology.org/article.php?story=20031202113626595). Il cite de nombreuses références et semble faire appel à une méthodologie scientifique. J'avoue ne pas en avoir vérifié toutes les sources une à une.

 

Premier aspect : l'école biodynamicienne dans "l'œuvre" de Steiner
Ce point-ci concerne le plus directement notre préoccupation principale : la vigne et son produit. J'ose espérer que les vignerons qui se réclament de cette approche n'ont pas pris connaissance des autres travaux de Steiner. En toute bonne foi, ils s'en tiennent à ses "recettes de culture".
L'aspect "pratique" le plus connu de la doctrine anthroposophique de Steiner a effectivement trait à la biodynamie. Il faut pourtant savoir que son auteur ne s'est intéressé à l'agriculture qu'à la fin de sa vie et qu'il n'avait aucune formation spécifique lui-même, ni aucune expérience de fermier. Ceci ne constitue qu'une toute petite fraction de ses écrits et de son enseignement. Les principes de base, auxquels je pourrais adhérer facilement moi-même, sont ceux de la culture organique (on dit "bio"). Ils prônent le développement de la fertilité naturelle de la terre, en rejetant les rendements excessifs qui l'épuisent et rendent nécessaires les fertilisants et pesticides. Les préceptes s'appliquent à considérer l'activité agricole au sein même de son écosystème et donc à intervenir à un niveau global, intégré. Jusqu'ici, tout comme mes amis vignerons, je reste un adepte attentif.
Malheureusement, la doctrine en vient à déraper : le "guru" Steiner aurait eu la révélation de l'effet de certaines forces cosmiques : la terre respire deux fois par jour, des êtres venus de l'éther influencent le sol et les corps célestes modifient la croissance végétale ... Loin de moi l'idée de nier l'influence des phases de la lune, mais on lui trouve facilement une explication liée à l'attraction des corps et aux phénomènes de gravité, entre autres, tandis que la biodynamie en fait une intervention "spirituelle". Et ici, je me démarque clairement de ce mouvement, alors que certains vignerons apportent foi et crédit à ces effets "surnaturels". Examinons, à titre d'exemple édifiant, le cas de la fameuse " recette 500" : emplissez une corne de taureau de fiente de vache et enterrez-la. Après l'avoir laissée tout l'hiver en terre, exhumez-la et allongez-en le contenu avec de l'eau, puis agitez-le de manière rythmique durant une heure. Ensuite vaporisez ce liquide sur votre champ : il canalisera les radiations astralisantes ! Vous aurez compris combien l'illuminé qui a pondu ces niaiseries s'est approprié des préceptes organiques louables, pour ensuite les assaisonner à la sauce de ses chimères.

Une autre application pratique de la pensée de Steiner
Alors que les révolutionnaires munichois de 1919 traitaient Steiner de "sorcier du capitalisme décadent", avec toute la finesse et la nuance qui caractérise ces moments d'exaltation, la firme Waldorf-Astoria le pria au contraire de fonder une école à Stuttgart : ainsi naissaient les "Waldorf schools". Non loin de là, ses amis anthroposophistes créèrent l'usine de produits sanitaires et pharmaceutiques Weleda. Ces deux institutions jouissent d'une réputation imméritée de "progressiste". Nous laisserons Weleda pour la bonne bouche mais je vais m'attacher à montrer que l'enseignement prodigué dans les Waldorf schools n'a rien de progressiste. Il fait appel au kharma et à la réincarnation comme fondement éducatif et divise les élèves en trois groupes d'âge : la période de développement physique (entre 0 et 7 ans), la période de développement de l'enveloppe éthérée (entre 7 et 14 ans) et celle du corps astral (jusqu'à 21 ans). Cette subdivision arbitraire et dénuée de tout fondement expérimental se passe de commentaire, surtout si j'ajoute qu'on n'accepte les élèves que lorsqu'ils ont perdu leurs dents de lait.
La méthode éducative utilisée fait essentiellement appel à l'apprentissage par cœur et à l'argument d'autorité. La discipline, très stricte, inflige des punitions publiques. On ne pratique pas de sport et le jazz, par exemple, est banni. On réserve par contre une large place aux contes de fées et on entretient un climat général de retour au passé et d'aversion pour les technologies, pour la science et pour le progrès en général. Le Mahatma Ghandi aurait fait figure de cybernéticien en comparaison !

Deuxième aspect : l'anthroposophisme en chair et en os
Quittons maintenant la vigne et regardons le reste de la doctrine steinerienne. Je suis convaincu que la majorité des lecteurs n'en a jamais entendu parler, ni les vignerons d'ailleurs. Les textes allemands originaux sont difficiles à lire et les traductions existantes compliquées.
Rudolf Steiner est né en 1861 en Croatie. Fils d'un fonctionnaire, il a passé son enfance dans la province autrichienne, puis a étudié à Vienne et à Berlin. Ce touche-à-tout hyperactif a laissé de nombreux écrits et donné beaucoup d'exposés avant d'avoir une "révélation" à l'âge de 36 ans (le Christ était déjà mort, lui) : il entre dès lors régulièrement en contact avec le monde spirituel et les êtres célestes! Au cours de sa vie, il a oscillé entre une aversion pour le christianisme, tout d'abord, puis un rapprochement spirituel néo-chrétien, teinté de mysticisme, d'ésotérisme et de sciences occultes. En 1902, il rejoint la Société Théosophique et devient son secrétaire pour l'Allemagne. Cette association interprète des traditions de la péninsule indienne à travers le prisme de la sensibilité européenne. Son aspect le plus inquiétant repose sur les théories de Mme Blavatsky, qui invente le concept de "races souches" et considère l'extermination des races indigènes soumises à la colonisation européenne comme une "nécessité kharmique" (sic). Des maîtres spirituels établissent la doctrine, reprise ensuite par Annie Besant. Steiner sera un disciple très actif jusqu'à sa sécession, en 1913. Sa rupture a pour origine la désignation comme "réincarnation du christ" de Krishnamurti, un enfant dont la peau très bronzée lui déplaît. Notre Rudolf fonde alors sa Société Anthroposophique, qui émigre en Suisse au début de la guerre. Il s'éteint à Dornach, près de Bâle, en 1925.
Sa pensée confuse, voire même à caractère abscons, ne peut se résumer aisément. Je ne vous conseille pas d'y passer trop de temps. Disons que le fil directeur consiste en la croyance à une évolution mentale des individus liée au kharma et à des réincarnations, le tout saupoudré d'ésotérisme réservé à un petit nombre d'initiés. L'intervention des esprits explique tout : phénomènes naturels, accidents historiques, technologie. Ainsi, les bons esprits habitent les bougies, tandis que les démons néfastes logent dans les ampoules électriques!
Pour ce qui est de ses vues sur la métempsycose, Steiner pense que nous "choisissons" nos parents avant chaque naissance. Si cela rate, qu'à cela ne tienne, voilà une bonne explication des aberrations chromosomiques !
Ses fidèles (et ils perdurent) vouent un culte à la familiarité de Steiner avec le milieu astral et ses archanges, codifiés dans la "Chronique d'Akasha", un texte révélateur accessible à lui seul, en dehors bien entendu de toute rationalité ou de toute approche logique. En fait, l'antroposophisme EST Steiner.

Troisième aspect : la doctrine et ses conséquences
Pour clore le sujet, et en guise de mise en garde, je vous offre un condensé de la doctrine des anthroposophistes. Ils ont créé une classification des races d'après leur apparition (sur une durée portant sur des centaines de milliers d'années) : il va de soi que la "race aryenne", correspondant à la sous-entité nordico-germanique, occupe le sommet de cette pyramide. Au cours des âges, un petit nombre d'individus d'exception auraient connu une évolution favorable, tandis que les branches voisines, inférieures, n'ont pu que dégénérer. Il n'est pas impossible (euphémisme) que le discours nazi ait trouvé là une source d'inspiration idéale.
A titre d'exemple, Steiner reprenait l'idée de Blavatsky que les Indiens d'Amérique n'ont pas été exterminés, mais ont disparu d'eux-mêmes (fin de race, en somme); que les aborigènes descendent de la "troisième race souche", les lémuriens, et que la quatrième race, issue de l'Atlantide (!), correspond aux Japonais, Mongols et Esquimaux. Quant aux "nègres", ils sont sensuels, instinctifs, primitifs et mus par leur tronc cérébral. Il ne faut pas qu'une femme enceinte lise un roman concernant des Noirs, ou bien elle accouchera d'un mulâtre. Il va de soi que chaque groupe ethnique possède son "aura éthérée", liée à sa contrée d'origine, et qui se manifeste par un "Volkssgeist". Tiens, tiens !
Plus près de nous, un disciple de Steiner, Rainer Schnurre, expliquait en 1994 qu'on ne peut pas "créer un système égal et global pour tous les êtres de la terre ... et que l'aide aux pays du Tiers Monde était inutile au vu des différences existant entre les races".
Au plan social, Steiner a subi les influences de Nietzsche (ce grand démocrate !), qui lui inculqua ses notions élitaires, de Stirner et de son individualisme, mais aussi de Haeckel, qui exerça l'influence "environnementale" perceptible dans la doctrine. Malheureusement, on connaît également le rôle prépondérant de cet auteur dans l'élaboration du concept de "race pure" des nazis.
Steiner se montra un farouche nationaliste (pan-germaniste, évidemment) et un adversaire féroce de tout ce qui est français. L'Allemagne n'est d'ailleurs, au lendemain du Traité de Versailles, qu'une "victime de l'Occident" d'après lui. Même si un individu sensé doit reconnaître en 2002 que la réparation des dommages de guerre exigée par les Français et les Anglais était exorbitante, voilà néanmoins une vue de l'histoire assez singulière.
Enfin, Steiner propose son Dreigliederung des sozialen Organismus, un triptyque fondé sur la coexistence de l'état, de l'économie et du monde culturel. Ceci présente beaucoup de similitude avec les vues de Mussolini. Dès lors, il devient inopportun d'essayer d'intégrer ces trois éléments dans un système démocratique cohérent. Par contre, "le capitalisme devient légitime, dès lors qu'il est spirituel" (euh ????).

Un mot de conclusion
Arrêtons-nous ici, la nausée me prend. S'il est juste de reconnaître que les suites données au mouvement après la mort de Steiner ne lui incombent plus, il est néanmoins intéressant de mentionner l'influence décisive exercée par les anthroposophistes sur l'aile verte du parti nazi, la contribution de la firme Weleda aux "expérimentations" menées à Dachau et, plus récemment, les activités d'éditeur du mouvement anthroposophiste allemand, ressortant l'ouvrage antisémite de Thieben ("Das Rätsel des Judentums", paru en 1931) .
Je suis convaincu que la plupart des vignerons se réclamant de la biodynamie s'en tiennent à la "phase organique" et ne savent même rien du reste de l'œuvre de Steiner. Il va de soi que cet article ne les met nullement en cause. Certains d'entre eux y ajoutent un poil de mysticisme astral, cette "homéopathie de la vigne". Libre à eux d'y croire, même si un esprit rationnel refuse d'entrer dans ces errements. Enfin, ceux d'entre vous qui ont bien voulu me suivre jusqu'ici auront sans doute frémi à la lecture du restant de la doctrine.
Oenophiles de tous pays, unissons-nous contre l'obscurantisme et le crypto-fascisme envahissant !

Luc Charlier
Revue In Vino Veritas n°92 (décembre 2002)

Ecrit par Wellcome, le Samedi 29 Septembre 2007, 02:17 dans la rubrique Textes.

Commentaires :

Manuel
19-02-09 à 07:46

Merci

jE SUIS

Non, pas que votre articel soir dérengeant, mais je dirais un peu surprenant, de source sure, je n'en doute; mais, comment expliquer les différences entre ce que nous utilisons en agriculture comme étant le travail de steiner, et ce que nous cherchons a supprimer de notre mémoire, comme étant l'idée de race qu'il possédait.
La byodinamie, est une pratique effective, elle marche...
La suprematie aarienne, NON

Comment deux idées opposée, peuvent elles être issues d'un cerveau identique?
Comment se fait il que nous acceptions l'un mais pas l'autre?
Pour vous répondre, je ne sais pas, mais depuis que je pratique la Biodynamie, ma vie prend un sens et je sens un équilibre, je ne revendique pas Steiner, mais comme beaucoup de viti ou agri, je suis en accord avec la nature, et non avec l'idée de l'homme (steiner).
Alors admettons que cela puisse marcher, car, cela marche, et sera toujours meilleur que la molécule créée par le nouveau raciste, celui qui n'aime pas les pauvres, celui qui profite de la misère et celui qui s'enrichit sur le dos de ceux qui suivent ses idées, labo mosento, labo pharmaceutique.....Je préfère suivre les idées et les travaux d'un homme mort, que celles de profiteur.

merci, car je suis.